UNE ANALYSE DES IMPLICATIONS LOGIQUES DE LA DECISION DEMOCRATIQUE EST INDISPENSABLE
On n'a aucune expérience valable de la démocratie telle qu'elle ressort de l'idée d'origine, appliquée à grande échelle et dans les conditions d'aujourd'hui. Or, si le progrès humain existe et a un sens, ces conditions devraient être plus favorables qu'à l'époque athénienne. Si l'on veut pouvoir décider d'adopter une plus large pratique de la démocratie directe, l'utiliser correctement, voire même la rejeter, en toute connaissance de cause et sans préjugé, ni pollution due aux vicissitudes de l'Histoire, il convient de reprendre à la base, l'analyse logique de la décision démocratique et des implications de la règle majoritaire.
UNE SOCIETE D'INDIVIDUS ABSOLUMENT LIBRES ET INDEPENDANTS (ANARCHIE) CONFRONTEE A DES CHOIX DIFFICILES SE DISLOQUE
Dans l'essai universitaire, sur lequel on s'appuie ici, a été d'abord étudiée l'application de la décision démocratique, dans une société d'individus indépendants – dont on n'a pas a priori différencié les capacités –, confrontés à des choix difficiles. Le support en a été la méthode statistique dite du « random walk problem » (voir ci-contre) . Le premier résultat obtenu est que, dans cette extrémité de totale indépendance et liberté, le groupe de départ se disperse progressivement. On peut en déduire que, si l'anarchisme, en tant que réaction à la tyrannie trouve une justification, l'anarchie, n'est pas recevable comme modèle de démocratie absolue, parce que, faisant éclater la société, elle n'est pas un système de gouvernement social.
DEMOCRATIE ET LIEN SOCIAL
La décision démocratique , dans la mesure où elle doit dégager un choix unique, impose la règle majoritaire – la plus objective qui soit dans une délibération au suffrage universel ou référendum. La minorité ne peut pas suivre la voie qu'elle souhaitait. Il en résulte pour ses membres, une tension entre « l'attrait » du choix personnel et celui de l'union (ou lien social), comparable à l'opposition de deux forces en Mécanique, ou de deux pouvoirs d'attraction. On conçoit que de tels conflits puissent aller jusqu'à la désobéissance ou la révolte.
En démocratie directe totale, à défaut de ce que les volontés – les intérêts ? – de chacun coïncident, la cohésion sociale nécessite que le lien social soit assez fort pour résister à ces tensions et que chaque individu puisse accepter ainsi, de son plein gré, la décision qu'il ne souhaitait pas. Les régimes autoritaires l'imposent, eux, de gré ou de force.
Dans une société humaine « unie » où les individus ne sont plus indépendants, chaque individu est sujet à l'influence de liens sociaux de nature et portée très diverses, du lien à l'espèce, à la famille, à la communauté, jusqu'à ceux qu'impose, par ses lois et la force publique, l'organisation « en vigueur », plus ou moins évoluée. Il apparaît que, selon qu'ils sont immatériels ou matériels, ils sont l'effet sur l'individu d'informations ou d'énergie qui sont des éléments constitutifs de pouvoirs dont l'effet est d'autant plus sensible qu'ils seront opposés et altèreront les mêmes types d'éléments de pouvoirs mis en action par la volonté individuelle.
EMERGENCE D'UN POUVOIR CENTRAL
Par le seul fait de la règle de décision majoritaire, un pouvoir central émerge , au moins de la majorité sur la minorité. Il est, certes réversible, si les majorités alternent, car il peut être, tour à tour, favorable ou défavorable à l'individu, mais c'est un pouvoir que certains subissent, assorti de la perte, au minimum momentanée, de leur liberté d'action.
Dans la théorie du contrat social , selon laquelle tous les citoyens auraient décidé librement qu'il régirait la société, les règles acceptées sont censées ne pas contraindre, donc, ne pas priver de liberté. N'en déplaise à ROUSSEAU et autres, l'objectivité de l'analyse des rapports individu-société, qu'elle soit menée au plan théorique, comme ici, ou selon l'observation des situations, contraint à affirmer qu' un pouvoir accepté reste un pouvoir subi, si ses effets sont opposés à la volonté ou à l'exercice des pouvoirs individuels.