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dans l'essai :


DEMOCRATIE
le nom volé d'une idée violée
de
Jean-Claude Martin

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Libres Propos

LE REFERENDUM-DEBAT

La ruse du "prince", pour détourner en sa faveur, le pouvoir populaire c'est de dévoyer le référendum, expression de ce pouvoir, en plébiscite.

 

"Toute loi que le peuple en personne n'a pas ratifiée est nulle ; ce n'est point une loi."

jean-jacques rousseau

LE REFERENDUM, EXPRESSION NATURELLE DE LA SOUVERAINETE POPULAIRE

 

Le respect du principe de la souveraineté du peuple, impliquerait que le peuple décide de toutes les choses importantes en matière de gouvernement – c'est-à-dire, tout ce qui oriente le régime d'une manière réelle, en un sens ou un autre –, que sa décision s'impose à toute autorité exécutive, qu'elle prime sur tout choix antérieur et qu'elle soit prise démocratiquement, c'est à dire par tous, à égalité de voix, en toute liberté de pensée et d'expression, donc par référendum.

Au cours de l'Histoire et dans de nombreux pays, ce type de « consultation » a si souvent tourné au plébiscite, que l'on trouve ses opposants les plus convaincus, parmi les plus avertis des citoyens démocrates. Selon la question posée – c'est-à-dire : qui la pose, dans quel but, avoué ou inavoué, et en quels termes ? – selon les circonstances, un référendum peut, en effet, renforcer l'autorité déjà établie, au point de faire basculer des régimes républicains vers la dictature. C'est un comble, que la prise de décision la plus démocratique en soi, puisse porter le plus grand dommage à la démocratie.

LES CHANGEMENTS QUI S'IMPOSENT

La première correction à introduire dans la procédure référendaire est donc, que le « prince » (1) ne pose jamais la question soumise au vote ! L'un des objets de la proposition ci-dessous du référendum-débat est de dire qui devrait, et comment, la poser à la place de l'exécutif, le peuple (souverain) en son entier ne pouvant la formuler lui-même.

Quant à la forme rédactionnelle de la question à mettre en délibération , elle doit éviter toute ambiguïté et se prêter à une réponse par oui ou par non . Dans ces conditions, une question relativement complexe est à décomposer en plusieurs alternatives consécutives s'inscrivant dans un "arbre" logique de choix complémentaires. Les ordinateurs fonctionnent selon cette méthode binaire que, plus simplement, les questionnaires de sondages ou les formulaires administratifs bien conçus, utilisent parfois.

 

Le référendum sur la Constitution Européenne, était le type même de délibération qui n'aurait pas dû être effectuée autrement que par décomposition en sous-questions. Si des "oui" n'étaient, en fait que des approbations mitigées et si des "non" de nature différentes se sont mêlés, sans qu'on puisse, faire la part des choses, si le résultat global a conduit à une impasse, c'est, encore une fois, parce que la question ne se prêtait pas à une réponse par tout ou rien !

 

En ce qui concerne les circonstances dans lesquelles la procédure référendaire devrait être lancée, afin d'éviter la précipitation de la crise, il faudrait que, portant sur des questions essentielles relevant d'un projet de société, un temps suffisant soit prévu pour les étudier, de manière approfondie, avant le vote.

 

Par ailleurs, afin que le référendum ne soit pas sacralisé ni ne se prête à des dérives plébiscitaires, sa pratique ne devrait pas revêtir un caractère exceptionnel ni discrétionnaire. Des référendums devraient donc être organisés régulièrement (aux sens temporel et formel du terme) à tous les échelons national, régional et local, de la vie politique.

 

Enfin, concernant ses conditions de réalisation, il est souhaitable que les citoyens soient mis en mesure d'effectuer un choix éclairé et non orienté. Les votants doivent recevoir le maximum d'informations objectives et avoir la possibilité de se les approprier. Au-delà d'une simple communication, d'un exposé de l'information utile, il s'agit de rendre possible une confrontation active des argumentations pour et contre. Il faut donc qu'un large débat précède le référendum. D'où le nom de référendum-débat pour le démarquer des pratiques antérieures et insister sur l'importance de la participation active des citoyens aux divers stades de sa préparation et de son déroulement.

 

Les possibilités de choix importants de société sont constantes et latentes au niveau national. Dans les décennies 70 et 80, en France, se sont posées les questions cruciales de l'interruption volontaire de grossesse et de l'abolition de la peine de mort, celles des nationalisations et ensuite, en retour de balancier, des privatisations. Le choix d'une politique énergétique a été fait. Aucune des décisions prises ne l'a été par délibération populaire. On s'attendrait, aussi à ce que les problèmes d'environnement qui sont d'une importance immense pour l'avenir de la planète, fassent l'objet d'une prise de position du peuple (2).

 

Le fait que d'importantes orientations politiques de ce type soient à choisir, est connu ; les grandes lignes de leur formulation sont plus ou moins énoncées. Elles ont souvent fait l'objet, au moins partiellement, de sondages d'opinion. La Presse écrite et audiovisuelle y consacre, périodiquement, articles et émissions. Faute de pouvoir se prononcer, lui-même, parce qu'il ne peut s'autosaisir, le peuple attend que ses « représentants » résolvent ces problèmes essentiels. Il est censé les élire en fonction des solutions qu'ils proposent – la réalité est plus complexe, car les programmes des partis sont globaux, ne sont qu'intentionnels et ne sont pas toujours appliqués. Chaque individu, au «  Café du Commerce  », dans les repas de famille ou les dîners en ville, se met, avantageusement parfois, dans la peau des ministres, mais il n'a pas l'opportunité de se prononcer en tant que citoyen, simple atome, certes, du peuple souverain, mais souverain tout de même, quand il mêle sa voix aux autres. S'il fallait encore le démontrer, voilà la preuve que le fonctionnement démocratique est en panne et même que son mécanisme tourne à l'envers. C'est le peuple souverain qui devrait faire de tels choix. Dans le marasme actuel et la déconsidération toujours croissante dont souffrent les élus dans l'opinion, le peuple, s'il prenait pacifiquement la parole et décidait, à toutes chances de faire mieux que ses dirigeants. Dans le principe de la démocratie, la problématique n'est pas de savoir si le peuple ferait mieux ou plus mal que l'exécutif élu, mais qu'il lui appartient de décider et que le système doit le lui permettre.

 

Progrès de la démocratie, le référendum assaini est susceptible de constituer un remède à la situation bloquée de la vie politique actuelle des « grandes » et pourtant très relatives « démocraties ».

 

PROPOSITION CONCRETE : LE REFERENDUM-DEBAT

 

Les questions importantes qui se posent étant nombreuses et plus au moins identifiées, il s'agit de trouver la manière de les faire émerger, sans que l'exécutif, ait à les poser, selon sa convenance.

 

On peut envisager la pétition institutionnalisée comme moyen d'intervention populaire, qui si elle remplit des conditions d'audience préalable suffisante, aboutirait au déclenchement d'un référendum d'initiative populaire, déjà pratiqué dans certains pays.

 

Dans les systèmes représentatifs, le Parlement est, a priori, une représentation du peuple (« le souverain »). L'exécutif (« le prince ») ne l'est qu'en partie et à un degré plus faible. Nous avons exclu qu'il puisse interroger le peuple, pour éviter les dérives plébiscitaires. En conséquence, si le Parlement est dessaisi de la décision de trancher les questions les plus fondamentales, il n'est pas interdit qu'il puisse intervenir dans la préparation du référendum, notamment la formulation de la (ou des) question(s) à poser. Bien évidemment, il convient que sa composition et son mode d'élection ne compromettent pas sa représentativité. Tout particulièrement, ses liens avec l'exécutif méritent attention. Une majorité de « godillots » aux ordres des responsables gouvernementaux (Président, Premier Ministre, etc.) qui prépareraient un référendum à leur bénéfice, compromettrait l'objectivité de la délibération populaire attendue.

 

On peut donc envisager le référendum-débat comme débutant par un débat parlementaire . Seraient examinés : l'état de la situation du pays et les grandes questions en suspens, ou bien la demande particulière, présentée sous forme de pétition préalable. Il en sortirait la définition d'un thème de débat général, d'un calendrier et le texte contenant les premières instructions, afin que l'exécutif, à ses divers échelons, mette en place la première phase d'organisation.

 

Dans le cas, évoqué plus haut, du référendum sur la Constitution Européenne, il serait apparu que certaines dispositions faisaient problème et devaient être soumises spécifiquement au vote. Une délibération, faute de mieux, sur chaque titre du projet de traité aurait été instructive. Il en serait certainement ressorti que le principe de l'union était largement majoritaire, probablement que la plupart des mesures générales étaient positivement appréciées, mais que certaines dispositions, elles, étaient contestées. Un telle façon d'opérer se serait peu prêtée à un vote sanction.

 

Les grands problèmes n'étant généralement pas urgents à régler, la durée du débat populaire pourrait porter sur plusieurs mois. A son issue, la question précise à poser serait formulée, toujours par le Parlement, qui superviserait, aussi, la procédure référendaire (3). Dans cette phase ultime, le débat reprendrait, plus centré sur son sujet particulier. Finalement, quand le vote aurait lieu, le maximum de votants seraient éclairés et s'exprimeraient de manière significative.

 

Le rôle éducatif et pro-civique, qu'auraient de tels référendums-débats, est aussi à souligner. Une dynamique s'engagerait réhabilitant la chose politique aux yeux des citoyens.

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(1) Le "prince", chez ROUSSEAU, désigne le pouvoir exécutif républicain – aujourd'hui, en France, le Président de la République et le Gouvernement – alors que le "souverain " désigne le peuple. Sans cette précision, on pourrait confondre, n'est-ce pas ?

(2) Comment ne pas s'étonner, la voie du référendum n'étant pas utilisée pour trancher de telles questions, qu'on estime devoir l'employer pour d'autres, et ne pas penser que le motif réel n'est pas l'importance de la question, mais la recherche d'un succès qui redorerait la réputation ternie d'un Gouvernement ?

(3) On peut aussi envisager, une fois le processus démocratique engagé, que l'instance de définition de la question et de supervision du référendum, soit constituée de manière mixte, avec représentants spécifiques élus, autres que les seuls parlementaires. Si la Constitution était modifiée, dans un sens de large amélioration de la vie démocratique, un organe chargé du contrôle de l'exécutif, Conseil de la Démocratie ou Conseil de la Démocratie et des Libertés individuelles, pourrait intervenir. Et pourquoi n'y verrait-on pas siéger, comme dans la démocratie athénienne ou la Constituante , des magistrats élus ?

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CITATIONS

 

Il existe peu de citations écrites sur le référendum. Est à noter toutefois, le point de vue du politologue québécois Marc CHEVRIER, dans l'Encyclopédie AGORA :

" L'élite politique redoute le référendum. C'est un instrument imprévisible de gouvernement, qui transfère le pouvoir de décision des partis vers le peuple, dépersonnalise les débats et laisse s'exprimer les clivages de l'opinion. Dans un système représentatif, le parti gouvernemental aime disposer de la marge de manoeuvre conférée par le mandat populaire, ouvert et imprécis. C'est sous couvert de sa légitimité, reçue par la sanction populaire, que le gouvernement élu prétend gouverner au nom du peuple. Le référendum, en ce sens, conteste cette légitimité. Il procède de l'idée que les gouvernements représentent imparfaitement l'opinion publique, voire qu'ils ont intrinsèquement propension à la trahir.
Les gouvernants répugnent donc à recourir à cela même qui mine leur autorité. Autre motif de crainte: en remettant une question au libre débat du peuple, ils perdent le contrôle de l'agenda politique. Le référendum ne garantit pas, même à un leader très populaire, que le peuple sanctionnera ses décisions. Après mai 1968, le général de Gaulle, croyant pouvoir compter sur sa popularité pour faire avaliser par les Français une réforme du Sénat et du gouvernement local, essuya une cuisante défaite et démissionna.
La méfiance à l'égard du référendum tient aussi à la crainte qu'il ne suscite des excès de populisme; on envisage mal que des foules peu instruites de l'enjeu du débat, influencées par des groupes factieux, tranchent des questions complexes. La démocratie directe a ceci de fragile qu'elle fait appel à l'intelligence et à l'instruction moyennes de l'électorat. Elle requiert de chacun qu'il sorte de sa sphère d'intérêt privé pour l'élargir à la société toute entière et qu'il délibère comme s'il était lui-même législateur. Cette expérience collective est formidable quand elle réussit à former le citoyen à la chose publique, de même qu'à disséminer et à élever le débat; elle est malheureuse quand elle se déroule dans l'apathie et l'indifférence, laissant à des groupes industrieux le soin d'influer sur le vote final
."

Le site evene.fr rapporte les paroles de l'ancien Premier Ministre français Michel ROCARD :

 

" Un référendum c'est une excitation nationale où on met tout dans le pot. On pose une question, les gens s'en posent d' autres et viennent voter en fonction de raisons qui n'ont plus rien à voir avec la question."

 

Horizons et débats, dans un numéro spécial consacré au référendum en France sur le projet de Traité établissant une Constitution pour l'Europe, rapporte les propos du commissaire européen Frits BOLKENSTEIN :

 

« Personnellement, je suis opposé à tout référendum. C'est un mauvais instrument parce qu'on lie tout à tout, dans un référendum. Il y a deux formes de démocraties. Il y a les démocraties directes et les démocraties représentatives. Moi, je suis partisan de la démocratie représentative et les référendums n'ont pas de place dans cette forme de démocratie […] Les élus doivent décider. C'est pour cela qu'ils ont été élus.»

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